Sur demande des associations du mouvement de France Nature Environnement, le tribunal administratif de Nantes vient d’exiger du préfet du Maine-et-Loire qu’il complète son arrêté du 6 juillet 2017 par lequel il définissait les « points d’eau » à proximité desquels l’application de pesticides est interdite. Ce jugement rejette la définition trop limitée retenue par l’arrêté, ne permettant pas la bonne protection de la ressource en eau. C’est surtout une sanction de l’incapacité du représentant local de l’État à résister au lobby de l’agro-industrie chimique.
Une régression de la réglementation environnementale
Pour faire face à la contamination généralisée de milieux aquatiques, un arrêté ministériel imposait depuis 2006 des zones de non traitement (ZNT) : des aires en bordure des points d’eau, sur lesquelles il est interdit d’épandre des pesticides. Pour être efficace, cette mesure doit concerner l’ensemble des points d’eau, des plus grands (rivières, lacs, étangs…) aux plus petits (rus de tête de bassin versant, fossés…). Les milieux sont en effet interconnectés.
Jusqu’en 2017, cette protection concernait l’ensemble des éléments du réseau hydrographique de la carte de l’IGN, une carte imparfaite mais faisant figurer de nombreux points d’eau. « Seulement, voilà : depuis la modification de cet arrêté le 4 mai 2017 et sous la forte pression d’une partie de la profession agricole, réticente à ces ZNT, les préfets de la majorité des département des Pays de la Loire ont exclu la carte de l’IGN pour se référer à une carte réduite des cours d’eau, établie par les services de l’Etat » explique Jean-Christophe Gavallet, président de FNE Pays de la Loire. « Résultat : un linéaire important de cours d’eau précédemment protégé ne bénéficie plus d’aucune protection ». En Maine-et-Loire, ce sont ainsi 1500 des 9000 km d’écoulements figurant sur les cartes de l’IGN qui ont disparu.
Un jugement donnant raison aux associations
Non entendues au cours de la concertation, FNE Pays de la Loire et la Sauvegarde de l’Anjou ont demandé au préfet de bien vouloir compléter son arrêté en prenant en compte la totalité du réseau hydrographique du Maine-et-Loire. Le préfet n’ayant pas cru utile de répondre à la demande des associations, celles-ci ont saisi le tribunal administratif de Nantes fin 2017. Par un jugement du 29 octobre 2020, le tribunal a donné raison aux associations en enjoignant au préfet de compléter son arrêté dans un délai de 3 mois afin « d’intégrer à la définition des points d’eau l’ensemble des cours d’eau définis à l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement et l’ensemble des éléments hydrographiques représentés par des traits bleu pleins et pointillés sur la carte au 25/1 000e de l’IGN ». Le tribunal retient ainsi la violation de l’arrêté ministériel du 4 mai 2017 et juge non réglementaire la cartographie des services de l’État.
La solution qui se dégage de ce jugement, également retenue le même jour pour les départements de la Loire-Atlantique, la Sarthe et la Vendée porte à 24 le nombre de recours victorieux du mouvement de FNE contre les arrêtés ZNT sur le territoire national.
Pour un réel volontarisme de l’Etat sur le dossier des pesticides
La pollution des eaux par les pesticides dans notre région est généralisée, entraînant des surcoûts de traitement par les collectivités et donc pour tous les contribuables. Surtout, elle génère des risques importants pour la santé humaine. Dans ce contexte, les arrêtés adoptés par les préfets étaient à contre-courant des enjeux environnementaux et des attentes de la population.
« À l’instar de l’affaire des « chartes de bon voisinage », qui a permis aux exploitants agricoles de diminuer les distances d’application à respecter vis-à-vis des habitations avec la bénédiction des préfets, ce dossier illustre la place occupée par le lobby de l’agriculture intensive auprès des représentants locaux de l’Etat » s’insurge Jean-Christophe Gavallet. « Nous serons très attentifs à la bonne mise en œuvre des jugements qui viennent d’être rendus et souhaitons que les prochaines décisions adoptées sur la thématique des pesticides témoignent enfin du volontarisme de l’Etat sur cet enjeu de santé publique ».